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Les nouvelles générations et le monde du travail : 5 questions à Manuelle Malot et Geneviève Houriet Segard (NewGen Centre)

Manuelle Malot , EDHEC NewGen Talent Centre Director
Geneviève Houriet Segard , EDHEC NewGen Talent Centre Adjunct Director

Depuis plus d’une décennie, l’EDHEC NewGen Talent Centre conduit des enquêtes d’envergure auprès de milliers d’étudiants et jeunes diplômés (moins de 30 ans) issus de l’enseignement supérieur : écoles de management, d’ingénieur et universités. Entretien avec M. Malot et G. Houriet Segard, respectivement Directrice et Directrice adjointe de ce centre, sur leurs analyses principales qui éclairent, notamment, le rapport de ces nouvelles générations avec le monde du travail.

Temps de lecture :
16 avr 2024
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De nombreux préjugés négatifs entourent les jeunes au travail aujourd’hui, y compris dans les médias. Selon vous, quelle serait une vision plus juste du rapport des jeunes à l'entreprise ?

Manuelle Malot : Il est essentiel de briser les stéréotypes selon lesquels les jeunes seraient individualistes et désenchantés vis-à-vis de l'entreprise et du monde du travail. En réalité, plusieurs études de l’EDHEC NewGen Talent Centre sur les aspirations des jeunes diplômés révèlent une vision bien plus positive et engagée (voir références). Ils considèrent l'entreprise comme un lieu de projets et de liens sociaux et ils valorisent son rôle dans la société. Cependant, cette vision n'est pas naïve : ils jugent les organisations complexes et verticales. S’ils voient les entreprises porteuses d’innovations sur leurs produits et services, ils estiment parfois leur organisation et leur management dépassés, reflet d’un monde ancien, notamment en termes de diversité et d’inclusion. Neuf jeunes sur dix appellent de leurs vœux une transformation des organisations.

 

Geneviève Houriet Segard : En fait, ce sont leurs objectifs de carrière qui ont évolué. Dans un monde de plus en plus complexe et volatile, ils voient l’entreprise comme un lieu où ils pourront continuer à développer leur employabilité : acquérir des compétences et grandir personnellement est le premier objectif qu’ils mettent en avant pour leur carrière. Ils voient aussi l’entreprise comme le vecteur de leur impact sociétal. Non seulement son activité mais aussi leurs propres missions doivent être alignées avec leurs valeurs et apporter une contribution à la société porteuse de sens pour eux. L'entreprise incarne une aventure collective, élément essentiel d’une carrière pour près de 9 jeunes diplômés sur 10 (89%).

 

Comment expliquer cette quête de sens social et environnemental en entreprise ?

Manuelle Malot :  Les jeunes générations ont grandi dans un contexte où les enjeux sociétaux et environnementaux sont devenus de plus en plus importants. La génération de 1968 appelait également à une forme de révolution sociétale mais adressait ses revendications au monde politique. La jeune génération actuelle fait, d’une certaine façon, plus confiance au pouvoir économique. Pour la jeunesse, les entreprises semblent en quelque sorte avoir remplacé les pourvoyeurs de sens traditionnels qu’étaient l’armée, la religion, l’école… Ainsi 96% des jeunes rendent les entreprises redevables des enjeux du monde et ils sont 73% à juger important de bénéficier d'heures sur leur temps de travail pour s’occuper d’un projet à impact sociétal.

 

Geneviève Houriet Segard : Tout à fait. Pour attirer les jeunes et les fidéliser, les entreprises doivent se réformer sur trois aspects. Elles doivent se transformer de l’intérieur et devenir plus agiles et moins complexes, améliorer l’expérience collaborateur en favorisant le bien-être au travail et la cohésion des équipes, et enfin, clarifier leurs valeurs et raison d'être. Il est aujourd’hui indispensable pour les entreprises de s’engager sur leurs responsabilités sociales, environnementales et de gouvernance à l’échelle de la société. C’est ainsi qu’elles pourront attirer et fidéliser les jeunes talents.

 

Au-delà de ces aspirations générales, quelles sont concrètement les attentes principales des jeunes générations en ce qui concerne leur carrière ?

Geneviève Houriet Segard : Auparavant, les carrières étaient l’investissement d’une vie. Aujourd’hui, il s’agit plutôt d’une suite de missions et de projets. Nous avons vu l’importance de l'acquisition de compétences, suivi de la contribution utile à la société. Travailler dans un environnement international est également attendu mais différemment que pour les générations précédentes : les nouvelles générations sont de plus en plus sensibles à leur empreinte écologique, et c’est plus la dimension internationale des projets ou des équipes qu’elles désirent, que des déplacements à l’étranger ou une expatriation. Si elles recherchent activement des environnements professionnels stimulants, elles accordent également une grande importance à l'équilibre entre leurs vies professionnelle et personnelle. Ainsi, 66% des jeunes souhaitent des horaires de travail flexibles ou sont en faveur du travail asynchrone.

 

Manuelle Malot : Pour mieux saisir cela, le NewGen Talent Centre a élaboré une typologie identifiant trois grands profils parmi les jeunes diplômés : le profil engagé (29%), centré sur les enjeux du monde et l’utilité de la mission ; le profil intra/entrepreneur (32%) motivé par la conduite de projet et l'autonomie des missions confiées ; et enfin le profil compétiteur (39%), centré sur le développement ambitieux de sa carrière. Une entreprise a besoin de recruter tous les profils, cette grille est donc très utile aux managers afin de mieux comprendre cette nouvelle génération au travail.

 

Justement, quelles implications ces attentes ont-elles sur les managers ?

Manuelle Malot : Ces aspirations de la jeune génération au travail ont un impact non négligeable sur le management. « Ne me managez pas, développez-moi » disent-ils. Une autorité managériale qui ne serait que statutaire sera peu efficace. Les nouvelles générations attendent d’un manager qu’il donne envie et confiance, développe leurs compétences et les mentore. Bref un manager qui veille plutôt qu’un manager qui surveille. De plus, le manager doit assurer la protection et la reconnaissance de ses employés, renforçant ainsi leur sentiment d'appartenance à l'équipe. Ces attentes envers les managers sont transversales à tous les profils, et se retrouvent même au-delà des jeunes diplômés.

 

Geneviève Houriet Segard : Pour illustrer ce propos : 80% des étudiants jugent important de pouvoir travailler en autonomie et responsabilité dans leurs missions. Cela démontre aussi leur désir et leur capacité à prendre en charge leurs propres projets et initiatives. Mais ici encore, le manager doit savoir prendre en compte le bien-être de ses collaborateurs, avoir un management plus humain, favorisant la collaboration au sein de l’entreprise.

 

Et le télétravail alors ?

Geneviève Houriet Segard : Le télétravail est moins plébiscité que l’on imagine : les jeunes générations le souhaitent rarement plus de 2 jours sur 5. Le bureau, comme le campus, est le lieu du lien social et surtout de l’apprentissage et du développement des compétences. Et rappelons-le, le collectif est l’une des aspirations principales des jeunes générations, de même que l’ambiance au travail.

 

Manuelle Malot : La demande de télétravail cache une requête bien plus importante, celle de la flexibilité et de la confiance. Ainsi en autorisant le télétravail l’employeur envoie un signal essentiel en termes de responsabilisation et d’autonomie.

 

 

Références

 

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Les nouvelles générations et le monde du travail : 5 questions à Manuelle Malot et Geneviève Houriet Segard (NewGen Centre)
16 avr 2024
Les nouvelles générations et le monde du travail : 5 questions à Manuelle Malot et Geneviève Houriet Segard (NewGen Centre)
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Depuis 10 ans, le NewGen Talent Centre conduit des enquêtes d’envergure auprès de milliers d’étudiants et jeunes diplômés. Quel rapport entretiennent-ils avec le monde du travail ? Tout savoir dans cette interview croisée de M. Malot et G. Houriet :
https://shorturl.at/cgW79
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Depuis plus d’une décennie, l’#EDHEC NewGen Talent Centre conduit des enquêtes d’envergure auprès de milliers d’étudiants et jeunes diplômés (moins de 30 ans) issus de l’enseignement supérieur : écoles de management, d’ingénieur et universités.

Découvrez cet entretien croisé #EDHECVox avec Manuelle Malot et Genevieve Houriet Segard, respectivement directrice et directrice adjointe de ce centre. Elles reviennent sur leurs analyses principales qui éclairent, notamment, le rapport de ces nouvelles générations avec le monde du travail.

https://www.edhec.edu/fr/recherche-et-faculte/edhec-vox/nouvelles-generations-et-monde-du-travail-5-questions-manuelle-malot-genevieve-houriet-segard-newgen-centre

#MakeAnImpact #PassionNeverRests #NewGen

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